Notre grand héro
Brief info
Gérard a été dix ans volontaire militaire chez les Para-Commandos. De retour à la vie civile, il deviendra routier international pendant vingt-cinq ans. Il est actuellement membre de différentes amicales d’ancien Para-Commando (ANPCV Ostende, Brabant et Mouscron). Aujourd’hui, Gérard est retraité et vit à Ostende.
“Le 7 mai 2002, j'ai été réveillé vers quatre heures du matin par des cris d’appel au secours venant de l’arrière du côté jardin. Tout se passe très vite et dans le noir. Il y avait des coups de feu à l'avant. Je regarde par la fenêtre du jardin à l’arrière de la maison et je vois de la fumée venir de la maison voisine et une jeune fille (Kenza) qui crie au secours. Je vois beaucoup de fumée et des flammes sortir par la porte envahir le balcon où se trouvait Kenza. J’ai mis la grande échelle contre le balcon et je suis monté pour aller la chercher et l'évacuer. Après l’avoir fait descendre, je la fait rentrer chez moi au deuxième étage pour la mettre à l'abri. Ma compagne lui a donné une boisson chaude et des pantoufles car elle était pieds nus et avait froid.
En allant voir ce qui se passait dehors, j’ai vu un petit garçon à la fenêtre du 1er étage. Il m’a dit que son frère était aussi là et qu’ils sont tous les deux blessés… Je suis redescendu et j’ai repris une autre échelle que j’ai sorti et avec l’aide de Mohamed, nous l’avons mis devant la façade pour monter au 1er étage chercher les enfants qui étaient prisonniers des flammes. J’ai évacué les deux enfants. Le plus petit Walid a été pris en charge par une femme au bas de l’échelle et le plus grand Yassine est rentré chez moi pour se mettre à l’abris et rejoindre sa sœur Kenza. Pendant ce temps-là, le forcené tirait encore et toujours sur tout ce qui bouge. J’ai obligé un ambulancier à venir chercher le petit et sa sœur pour les emmener à l’hôpital et leur donner des soins.
Le chef de la police me disait que j'étais inconscient du danger et risquais ma vie dans cette action. Je lui avais répondu que si je n’avais pas réagi, il n’y aurait pas eu deux corps à rapatrier au Maroc mais bien cinq corps.
Nous étions simplement des voisins. Un petit bonjour lorsque l'on se croisait dans la rue et je ne connaissais presque pas les enfants du couple. Je les voyais parfois jouer dans leur jardin. Pour moi il n’y a pas de différence ou de couleur de peau, ni de religions ou de culture… Avant tout, il y avait des vies humaines, des vies d’enfants qu’il fallait sauver des flammes et les évacuer. Je n’ai fait que mon devoir de citoyen. Et si cela se représente, je referais la même chose.
Plus nous avançons dans la vie, plus nous prenons l'habitude de regarder en arrière. Nous chérissons les bons moments qui sont au fond de notre mémoire et sourions lorsque nous y repensons. Nous essayons de réprimer les souvenirs de nos émotions négatives, des périodes du passé mais ils reviennent systématiquement. Les regrets appartiennent aux expériences de la vie. Ce sont les leçons de la vie que nous n’oublierons jamais. La douleur appartient à celui qui la porte, pas à celui qui la regarde. Et personne ne peut comprendre la douleur d’une personne vraiment profondément s’il ne l’a pas éprouvée lui-même.
C’est pourquoi, il est important de faire connaître ce devoir de mémoire, car sans mémoire, il n’y a pas d’avenir.